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De Carole Lussier - Texte inédit

 

Aslinn

On dit que les Irlandais ont bâti le pays. Je ne sais pas. Je n’ai jamais été très forte en histoire. Ce dont je suis certaine par contre, c’est qu’ils transcendent nos us et nos coutumes et que nous sommes marqués par les couleurs de leurs croyances et de leur vécu. Et cela, on ne pourrait le nier.

À l’époque où notre terre était encore vierge, on les connaissait sous le nom de peuples nordiques. Ils aimaient la terre, l’eau et l’aventure. Ils sont ceux qui ont façonné les croyances et le mode de vie de l’Irlande, de l’Écosse et de l’Ancienne Britanie. Ce sont aussi les voyageurs qui ont touché nos côtes bien avant que ne naisse Christophe Colomb, et les agriculteurs qui nous ont légué les sites archéologiques qui nous font aujourd’hui rêver d’eux. Ils vénéraient la Terre, le Féminin et la Renaissance en toute chose. On les craignait parce qu’ils n’avaient peur de rien. Pour eux, la mort n’était qu’un parcours emprunté pour revenir sous un nouveau jour…


~


Profondément calée dans la couette de feuilles de maïs posée sur son lit de paille, Aslinn humait en silence l’air frais et brumeux du matin. Le jour n’était pas encore levé. Le ciel, où les étoiles brillaient d’un éclat presque surnaturel, présageait néanmoins la journée chaude et dégagée pour laquelle elle avait tant prié.

La Grande-Déesse-Mère avait fait montre de clémence en lui accordant son vœu. Aujourd’hui, non seulement l’enfant qu’elle avait été passait à l’âge adulte, mais la fête du printemps allait lui permettre de faire le Mai. Toute la journée, elle participerait aux jeux et danserait autour de l’arbre traditionnel. Et le soir venu, elle pourrait aussi aller se perdre et passer la nuit avec les jeunes gens du village dans le bois des amoureux.

Un visage s’insinua à son esprit, puis un nom à ses lèvres, et son cœur s’enflamma. Cédric !

Elle soupira en tournant la tête en direction de l’étable dont la porte restait ouverte la nuit. Les vaches et les brebis, qui réchauffaient la maisonnée après que le feu s’éteignait, dormaient encore en l’attendant. Elle s’étira sous la couette et sentit la douce chaleur contraster avec la fraîche qui lui chatouillait les narines, puis elle la poussa en libérant la bonne odeur de paille et de maïs qui s’éleva en fine brume poussiéreuse sous les instances du dernier rayon de Lune.

Aslinn enfila un châle et, pieds nus sur la terre battue de la maison de pierres, se dirigea vers l’âtre pour y faire du feu. Sur la table, le pain, le fromage et le sac de grains pour les semences étaient restés là où elle les avait déposés la veille. La jeune fille vivait seule depuis la mort de ses parents, mais le druide l’avait bénie : l’Irlande, forte et fière, coulait dans ses veines. Les villageois n’avaient pas confié l’enfant à une famille d’adoption. Dans sa toute bonté, la Grande-Déesse avait permis à ce qu’elle prenne à charge les terres et la maison paternelle. Elle n’avait pas quatorze ans.

Pendant les fêtes de la dernière moisson, les femmes l’avaient aidée avec l’engrangement des récoltes. Elles étaient là, avec elle, pour moudre le grain, ensacher la farine, faire sécher la viande et les herbes et même préparer l’hydromel. Elles avaient aussi confectionné un lit, changé la paille et refait son matelas. À Samhain, les hommes les avaient accompagnées pour réparer les toits, les murs de pierre et couper le bois en prévision de l’hiver. Avant les fêtes de l’hiver, Aslinn avait fait cuire des gâteaux qu’elle avait plus tard distribués pour les remercier de leurs gentillesses. Mais elle avait gardé le plus gros et le plus beau pour l’offrir à leur Mère, la Terre, qui lui avait tant donné.

Le premier rayon de soleil pointa à l’horizon. Aslinn alla ouvrir aux bêtes pour qu’elles puissent se rendre aux pâturages dont elles connaissaient fort bien le chemin. Aujourd’hui, elle n’allait pas les suivre. Les semences l’attendaient. Cédric et sa famille étaient venus retourner la terre deux jours auparavant. Elle leur avait réservé son plus gros cruchon d’hydromel. À la fête, elle le leur remettrait.


~


Cédric !

Son cœur battit à tout rompre lorsqu’elle le vit. Un sourire égayait son visage. Il avait surveillé son arrivée. Il l’attendait.

Les jeunes gens dansaient déjà autour de l’arbre. Le vin, la bière et l’hydromel coulaient à flot. Le druide, heureux de la voir parmi eux, la regardait d’un œil affectif tandis que les femmes venaient à sa rencontre pour la débarrasser des sacs qu’elle portait en bandoulière et la couvrir de la traditionnelle couronne de fleurs.

— Le beau Cédric n’a d’yeux que pour toi, Aslinn, ricana Carman en la prenant affectueusement par les épaules.

— Aujourd’hui, tu es femme, Aslinn. Tu peux le demander en mariage. Un homme serait le bienvenu dans ta vie, renchérit Fiona, sage-femme du village.

— De plus, il est vigoureux, fort et beau, intervint le druide qui marchait maintenant vers elle. Comme toi, Aslinn. La Grande-Déesse-Mère ne pourrait que vous bénir, tous les deux.

— Et si tu ne le fais pas, ce pourrait bien être moi qui sauterai sur l’occasion, s’esclaffa Carman, veuve de 40 ans son aînée, en faisant rire les autres.

Aslinn rougit et baissa le regard. Cédric ne la quittait pas des yeux.

Les femmes se réjouissaient de cette union. Les enfants conçus à Beltane étaient en santé, forts et vigoureux. Et ce mariage n’en était pas un de raison. Issus de ce couple, les petits connaîtraient aussi l’amour.

Malgré les danses autour du grand feu et de l’Arbre de Mai, les chants et les histoires du druide qui avait ensuite prononcé les mariages de saison et dissout ceux de l’année précédente, les heures lui parurent interminables. Le regard de Cédric qui l’épiait maintenant en attendant qu’elle en termine avec son repas trahissait également son impatience.

Elle allait se servir un gobelet d’hydromel quand il brisa enfin la danse pour s’en échapper et courir vers elle en lui tendant la main qui invitait aux lendemains dont elle avait tant rêvé. Son sourire était radieux. Les femmes riaient leur contentement tandis qu’Aslinn, rougissante, laissait tomber le cruchon pour lui offrir la sienne en retour.

Et sous les yeux du druide satisfait de l’avenir que la Grande-Déesse avait placé sur le chemin des enfants, les deux tourtereaux s’enfuirent dans les bois.


* L'image est tirée d'une toile de © Christiane Doré, Faith


Vos commentaires :

  23-04-2013
Encore une fois, chère Carole, tu nous donnes la joie. La joie pure, simple, une belle récolte de joie! Merci, Francine

  23-04-2013
J’aime ce texte sautillant, vitalisant. Bravo! Véronique


 
 

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